Gite des Cavaliers [Mel']

Portant ce doux nom, ce gîte n'est autre que la plus grande auberge du domaine. De nombreuses chambres à l'étage, une salle chaleureuse et conviviale en bas, que demander de plus ? Surtout que la patronne est du gentillesse un peu trop (?) maternelle avec ses clients. Et de plus c'est là que les cavaliers peuvent échanger leur chevaux lors des grands voyages. Après tout les chevaux d'Armida sont connus dans tout Tenebreuse.

Depuis peu l'activité au niveau du gîte avait augmenté, il faut dire aussi que depuis le retour de Luinwe, la patronne était heureuse. Il était arrivé à cheval, il y a de ça une dizaine de jours, pensant se reposer, mais il était déjà passé dans le coin, il n'y a pas si longtemps, surtout pour qu'on lui fasse remarquer qu'il n'avait pas grandit. Un ricanement aux lèvres tout s'était enchainé, et il s'était décidé à rester un peu dans cet endroit. C'était un peu fuir le monde de sa part, mais ça lui allait.

Aujourd'hui il était de service dans le gite, et la nuit tombante, les cavaliers affluaient pour se reposer dans le coin, de plus la fête d'Armida allait commencer bientôt, donc les gens arrivaient de tout coin de Ténèbreuse pour pouvoir voir le spectacle que leur donnerait le fief des Alton. Un sourire aux lèvres, dans un pantalon en cuir resseré par une simple lanière de tissu, sans aucun haut à cause de la chaleur, Luinwe connu ici sous le nom de Lui' servait les clients, aussi rapidement et agilement que possible.

- Lui', la table du fond s'il te plait !!
- Tout d'suite M'dame s'écria alors Luinwe attrapant le plateau que lui tendait la gérante avant de s'élancer, sautant par dessus des débris au sol. Et c'est qui qui devrait nettoyer cette nuit ? C'est bibi forcément. Sauf si il trouvait le moyen de s'eclipsait.

Enfin déposant sa commande, il sentit le courant familier d'air froid dans son dos qui le fit frisonner. Un nouveau client, sans se retourner, il se dirigea vers le bar lançant alors au nouveau venu :

- Si c'est pour une chambre on est complet, mais pour consommer sans problème. Asseyez-vous à une table j'arrive.

Comment aurait-il pu savoir que c'était quelqu'un qui connaissait particulièrement bien qui rentré dans le gîte ? Surement en se retournant, mais accoudé au bar il parlait avec un client et la patronne, sa queue de chat fouettant l'air derrière lui.

- Merlwin, t'a bien choisi ton serveur ... Avec sa dégaine de fille, c'est sûr qu'il risque de faire des jaloux.
- Bats-les pattes, gronda alors la patronne empêchant le client de toucher à Luinwe, celui-ci abordant un sourire aguicheur. Personne ne touche à Lui' ici.
- Ou alors il faut en payer le prix s'exclama alors le concerné tout souriant sous les reproches de la patronne, et l'air interessé du client. C'était une bonne soirée qui commençait, mais comment continuerait-elle ?

Cela faisait deux jours que Melwasùl chevauchait, cherchant une ville plus éloignée que la capitale. Son pauvre cheval était exténué et il décida de s’arrêter à la prochaine auberge pour passer quelques jours, le temps que ce canasson reprenne des forces. On lui avait refilé un pauvre andalou à moitié usé qui faisait des écarts de malade à chaque fois qu’il voyait une feuille bouger. Et ce n’était pas peu dire. Mel avait fini par le tenir à la main une bonne partie du voyage. Mais son mal de pieds avait pris le dessus et il était remonté. Après tout, un cheval, c’est fait pour ça. Heureusement, la prochaine auberge était le Gîte des Cavaliers et il pourrait troquer son cheval contre un autre un peu plus courageux. Et il pourrait peut-être retrouver celui avec lequel il était arrivé et qu’on lui avait volé. Il espérait bien.

La pluie tombait à flots et Melwasùl n’avait pour se couvrir qu’une maigre cape à capuche et il était déjà trempé. Depuis une demi-heure, il exhortait Ben, le cheval, à passer au trot mais rien n’y faisait, le cheval restait insensible aux coups de talons et de rênes de son maître. Finalement, le vampire s’était résigné et déchaussa les étriers, posant les rênes sur l’encolure du cheval.

- Voilà ! Tu vas où tu veux, je m’en contrefiche !

Et il croisa les bras, comme un petit enfant boudeur, et laissa le cheval le guider sur le sentier trempé. Soudain, des rires jaillirent de sa droite et une bande de quatre gamins sautèrent des fourrés, passèrent à toute vitesse devant eux et disparurent. Le cheval, surprit par tant d’agitation, cabra. Mel eut tout juste le temps de s’accrocher à la crinière, en attendant que la bourrique se calme. Finalement, il cessa de bouger dans tous les sens et le vampire trouva plus sage de remettre les étriers et de tenir les rênes. On ne savait jamais. Tapotant l’encolure de Ben, qu’il appelait depuis peu Benny, il réussit par miracle à le faire trotter. Sûrement l’excitation précédente.

Les quelques kilomètres les séparant du gîte parcourus, Mel descendit de cheval et attacha le vieux à côté des autres chevaux. Malgré le paravent en bois qui était censé les protéger de la pluie, il garda son capuchon et se dirigea vers la porte, à toute vitesse. Une fois à l’intérieur de l’établissement, il sentit une vague de chaleur lui arriver droit dessus et lâcha un soupire de soulagement. Néanmoins, il s’assura que la capuche dissimulait ses yeux. Il parcourut ensuite le bar d’un œil dubitatif et aperçut, à sa grande surprise, une silhouette bien connue. Lui, il était là ? C’était bien le cas de le dire. Il était… Serveur ? Allons, allons, pas de moquerie. Sans se retourner le serveur lui cria que NON, il n’y avait pas de chambre, mais que OUI, il pouvait commander. Très drôle. Ce qu’il voulait, c’était dormir. L’estomac sur pattes n’avait même pas faim.

- Grouuuuu…

Ou peut-être que si, il avait faim. Gémissant, il posa une main sur son ventre. Il aurait bien voulu s’asseoir, mais le gosse ne s’en tirerait pas comme ça. Slalomant habilement entre les tables et les chaises, Melwasùl atteignit sans grande difficulté le jeune homme. Mais il reçut sa queue en plein nez. Pourtant, Lui ne sembla pas s’en apercevoir. Le traitre. Massant son nez endolori, il fit encore deux pas puis posa une main sur l’épaule du chaton, sous les yeux de la gérante, qui venait justement de dire à l’autre que personne ne touche à Lui. Sauf Mel. D’ailleurs, celle-ci ouvrit de grands yeux lorsqu’il rapprocha ses lèvres de l’oreille de l’autre, pour murmurer d’un ton suave :

- Je n’aime pas du tout être ignoré.

Un main sur son épaule, et Luinwe contracta légerement celle-ci, ne supportant pas qu'on l'approche de tout près. D'ailleurs il n'avait pas compris, comment la personne avait pu entrer dans son périmètre sans qu'il ne s'en rende compte, car ce n'était pas le client. Le regard de la patronne l'inquieta, et il eut sa réponse. Il y avait bien quelqu'un derrière lui, qui se permettait de lui sussurer à l'oreille qu'il n'aimait pas être ignoré. Son sang ne fit qu'un tour. Cette voix ... Melwasùl. Ici ? Comment était-ce possible ? Il devait être à Elhalyn, ou dans le coin. Quoi qu'il l'avait abandonné aussi ...

- J'ai dis qu'il fallait payer, même toi Mel' murmura alors Luinwe se retournant rapidement pour l'aggriper au cou, serrant assez pour que l'autre sâche qu'il n'aimait pas qu'on le traite ainsi.

Le regard du jeune homme n'avait rien de sympathique, un brin trop froid, un brin trop méchant et colérique, mais après un instant à le dévisager, ce visage sous la capuche, il relacha la pression autour du cou du nouveau venu. Finalement un sourire mesquin apparu sur ses lèvres, avant qu'il ne l'emmène à une table, lâchant le cou de celui-ci, pour en attraper le poignet, le tirant derrière lui, sous le soupir de soulagement de Merlwin. L'asseyant alors de force à la table vide, il s'installa en face, se décidant à prendre sa pose. Un regard à la patronne, et il sut qu'il pouvait.

- Que me vaut cet honneur ? demanda alors le chaton en ricanant, sa queue jouant machinalement avec la bougie posé près de lui.

[Houuu, que c'est nul TT]

Melwasùl sentit parfaitement l’épaule du garçon se contracter sous sa main. Il l’aurait très bien plus approché mais dans un endroit plus intime. Pas devant tous ces gens, dont l’un d’eux le regardait déjà avec un air pas net du tout. Bien sûr qu’il se permettait de lui parler à l’oreille. Puisqu’il avait tous les droits. Certes, il avait abandonné le chaton mais il refusait de rester trop longtemps au même endroit. Dommage qu’il n’ait pu le lui dire. Après tout, il se voyait mal lui sortir ça comme ça « En fait c’est parce que je dois tuer des humains pour me nourrir et que ça ferait trop flagrant si je restais toujours au même endroit. En plus, je décimerais la ville. » L’estomac sur pattes, le Retour.

- Même moi ? Non, je ne crois pas… murmura le vampire d’un ton moqueur juste avant que le chaton essaye de l’étrangler.

C’était bien dommage, il ne savait pas que respirer ne lui était pas nécessaire. Sinon, il aurait essayé de l’intimider autrement. Néanmoins, Mel n’était pas intimidé. Il savait que Lui ne pouvait rien contre lui. Rien du tout. Alors, le jeune homme lui adressa un petit sourire arrogant, en réponse à son regard noir. Lorsque la pression se relâcha, Mel n’esquissa même pas un mouvement de soulagement. Mais lorsque l’autre lui attrapa le poignet, il se laissa faire docilement, réprimant un regard de dédain à la tenancière et son soupire de soulagement. Il se laissa tomber sur un banc de bois et observa Lui qui s’asseyait en face. Il n’aima pas le regard que lui adressait la patronne mais se décida à ne pas lui régler son compte, sans quoi Lui n’aurait plus de travail. Mais ce n’était pas l’envie qui lui manquait.

Mel posa alors ses coudes sur la table et son menton dans ses mains. Ses yeux étant toujours cachée, tout ce que son vis-à-vis pouvait voir était ce sourire à la fois mesquin et arrogant qui flottait sur ses lèvres rouges. Rouges ? Sûrement que le sang y avait déteint. Avant même de lui faire l’honneur de répondre, il passa sa langue sur ses lèvres, sans quitter ce sourire étrange. Sa voix, malgré la proximité, n’était pas plus forte que tout à l’heure lorsqu’il murmura :

- Oh, tu me manquais. Je me suis farci le voyage d’Elhalyn jusqu’ici pour te voir… Mais non, idiot. Je pars. Je reste quelques jours ici et je repars. Tu le sais bien toi-même, tu en as fais l’expérience.

Sur ce, il passa une main sur la joue pâle du chaton, sous le regard inquiet de la pauvre tenancière, et passa brièvement le bout des doigts sur ses lèvres. Il savait parfaitement qu’il trouverait une chambre ici.

Quel personnage arrogant et sans pudeur, ni aucune éducation pour lui parler comme ça pensa alors le Séraphin. Mais il ne savait pas qui il était réellement, Luinwe ne lui avait jamais dit, comme il ne l'avait jamais dit à personne. Etre séraphins c'est un fardeau. Alors, Mel' pouvait se permettre d'être arrogant envers un simple enfant-chat, et dire que Luinwe se laisser prendre au jeu comme toujours. Mais parce que c'était Melwasùl en face, et qu'il ne pouvait rien faire contre lui comme toujours. Son crime, son pêché. Pourquoi l'avait-il recueilli celui-là ? Pourquoi l'avait-il permit de rester dans sa demeure du moment ? A quoi avait-il donc joué ? Etait-ce le diable qu'il avait recueilli ? Oui et non, parce que le véritable diable c'était Lucifel, ou alors Eva ou lui dans le pire des cas.

Il lui manquait ? Devait-il en rire ? En pleurer ? Comme si il avait pu lui manquer. C'était tellement idiot, comment un gamin homme chat qui l'avait hébergé pouvait lui manquer ? Alors qu'il était un gamin arrogant et sans aucune éducation lui non plus. Bien sûr que non, et il repartait comme toujours, et il disparaitrait de sa vie pour quelques temps encore, et tout irait pour le mieux. C'était un crime de le laisser partir, lui qui avait réussi là où d'autre avait échoué. Lui et ... Elle. Deux pêchés pour un même homme, deux faiblesses qu'il se devait de cacher. D'ailleurs l'autre se permettait de toucher son visage, de glisser sa main sur sa joue qui portait encore une entaille d'un récent combat, et de redessiner ses lèvres. Impudent, tu mériterais la mort !! On ne touche pas à sa majesté Luinwe ... Mais pardon, ici il n'est que Lui', homme-chat un peu maraudeur vadrouillant par ci par là.

- Dégage ... Je ne veux pas te voir. Tu comptes rester ici ? Trouve-toi un endroit où dormir ici c'est plein. Répondit alors le chaton, d'une voix froide et colérique, repoussant la main de celui-ci d'un coup de sa queue de chat qui avait fendit l'air pour taper la main fautive sur le poignet.

La tenancière arriva alors, tendant la tunique de Luinwe. Celui-ci accepta alors le vêtement avec un sourire avant de l'enfiler. Une belle tunique rouge qui cachait les cicatrices d'anciens combats. On aurait dit un chat des rues en y repensant. Déjà qu'il avait encore des bandages sur les mains, alors que dirait Mel' ... Non, non, non il devait s'en foutre de son avis, ce n'était qu'une connaissance de passage ...

- Lui' ... Tu veux boire quelque chose ?
- Du lait avec du rhum ...
- Et vous M'sieur demanda alors la tenancière, d'un ton plus froid à Mel'. Il faut dire que les regards entre les deux n'avaient rien d'amical pensa alors Luinwe en guise d'explications pour le ton pris par Merlwin, qui d'habitude était toujours douce et maternelle, surtout avec lui.

Personnage arrogant, sans pudeur ni éducation. C’était bien Mel. Ou plutôt, c’était bien le côté de sa personnalité qu’il voulait montrer aux gens. Au contraire, intérieurement, il savait qu’il ne devrait pas jouer ainsi avec le gamin. Disparaître comme ça puis réapparaître aussi importunément. Ce n’était pas quelque chose à faire. Il avait l’impression de lui faire du mal et de se faire du mal. Et au plus profond, il se reprochait ces actes, mais ne trouvait pas la force de s’en empêcher. Il fallait qu’il évite de se lier à qui que ce soit, sinon il ne serait plus capable de voyager. Or, ce qu’il aimait, c’était sa liberté. Celle qu’il avait de pouvoir voyager partout, sans contrainte, restant quelques deux semaines dans chaque ville ou village, vivant de petits boulots. C’était ça qu’il aimait. Il ne supporterait jamais d’être enchaîné à une relation. Alors il s’efforçait d’être moqueur avec Lui pour se convaincre qu’il n’était pas attaché à lui. Pourtant, il savait à quel point il se mentait. Il n’avait suffit que de quelques jours pour que… STOP !! On ne va pas plus loin, ça risquerait de faire mal.

Sûr, en apparence, Mel se moquait du jeune chat et pourtant il était étonnamment sincère. Le fait est que le ton ne s’accordait pas avec la nature de ses sentiments. Ils étaient similaires et pourtant différents. C’était peut-être cela qui les avait rapproché et inconsciemment liés. Mais Lui avait raison, il disparaitrait et réapparaîtrait toujours, peu importe les obstacles. Il voulait que rien ne l’empêche de vivre. De l’impudence ? Mais Mel se permettait tout quand il s’agissait de Lui, car celui-ci n’arrivait jamais à lui résister. Jamais. Et malgré la voix colérique du petit chat, Mel n’y décela pas une once de sincérité.

- Tu ne veux pas me voir et pourtant tu restes. Alors assume un peu pour une fois… En plus, je suis sûr que tu vas réussir à me trouver une chambre, chaton…

Et ce avec un sourire mielleux, qui pouvait attendrir n’importe qui. La queue du chat fendit l’air pour venir s’abattre sur sa main. Il n’eut même pas mal mais le lâcha à contre cœur. Lorsque la tenancière approcha, Mel lui adressa un regard furieux, retroussant légèrement ses lèvres. Mais, sentant un grognement monter dans sa gorge, il se ravisa et s’adossa nonchalamment au dossier de la chaise. Heureusement Lui n’avait rien vu des gestes de Mel, trop occupé à récupérer sa tunique. Alors que Lui revêtait la tunique, le vampire aperçut des bandages sur ses mains et une lueur d’inquiétude passa dans ses yeux. Mais elle fut aussi brève qu’un éclair et disparut aussitôt. Et voilà que l’autre idiote restait plantée à côté d’eux. Du lait avec du rhum ? Mel esquissa un sourire à cette réponse. Lorsqu’elle s’adressa à lui, la tenancière avait pris un ton beaucoup plus froid. Glacial même. Rien à voir avec la gentille femme dont on vantait les services dans toute la région.

- Alors, ça vous embête tellement qu’on touche à votre petit Lui’ ? Oh… C’est bien dommage. Néanmoins, ce n’est pas votre attitude qui va me décourager… Avant de continuer, il jeta un coup d’œil circulaire à la salle. Au lieu de vous méfier de moi, vous feriez mieux de surveiller les trois types blonds à ma droite. Si vous voulez mon avis, Lui’ est tout à fait désirable à leur goût. Et sinon je prendrais bien une chope de votre meilleure bière, madame la tenancière.

Outrée au possible, la pauvre femme s’éloigna, la tête haute avec un regard dédaigneux pour cet homme qui n’avait toujours pas enlevé sa capuche. Melwasùl était trempé et grelottait, malgré tous ses efforts pour le dissimuler, il ne pouvait empêcher ses dents de claquer, lorsqu’il s’adressa de nouveau à Lui. Il avait fait un effort pour la tenancière, mais là, c’était différent. Son ton devint plus sérieux mais néanmoins amical.

- Ecoute, je suis frigorifié, laisse-moi au moins rester ici pour la nuit, même sur le plancher ça m’est égal. Mais ne me fais pas repartir avec un canasson pareil…

Du garçon joueur et arrogant, il était passé au petit garçon penaud, honteux de devoir avoué qu’il ne voulait pas repartir de soir. Son visage rougit d’autant plus que ce qui suivrait n’était à la fois pas facile à dire mais en plus il était sûr que Lui ne le croirait pas. Et ça ne l’étonnerait pas le moins du monde. C’est pourquoi sa voix se transforma en un murmure doux et mélodieux.

- En plus… Tu m’as un peu manqué… Vraiment.

Comment se permettait-il de lui sortir qu'il restait ? Comment ça assumait ? Cet homme méritait une correction, si il était ici, c'est parce qu'il était serveur qui prenait sa pause et qui supportait un gars comme lui, franchement, il n'y avait aucune raison d'assumer. Bon d'accord c'était peut être Mel en face et alors ? Qu'il aille au diable, surtout vu comment il le faisait tourner en bourrique en plus il se permettait de l'appeler Chaton, franchement il dépassait les bornes. Le regard furieux ne lui fit rien qu'un hausement d'épaule. Comme si il en avait à faire que l'autre soit énervé contre lui. Surtout qu'il se contrôlait, chose dont luinwe tirait une certaine satisfaction.

Trois types blonds ? Machinalement Luinwe tourna la tête vers eux. Des clients qui n'étaient pas des habitués, surement là pour la fête. Il leur avait déjà servis plusieurs bierre. Lui' eut alors un soupir avant de se reporter sur Mel' qui semblait pas au mieux de sa forme, il faut dire qu'avec le temps de chien qu'il faisait dehors. L'ecoutant alors parlé, Luinwe s'accouda sur sa main gauche, avec un air de je m'en foutisme plus qu'affiché sur son visage. Même le plancher de sa chambre serait trop bien pour ce gars. Oui, il était suceptible, alors même avec un tête de chien battu ça ne marcherait pas. Et en plus qu'il se permette de lui sortir qu'il lui avait manqué, franchement, il ne s'en remettait pas.

- Je ne t'ai jamais aimé , n'espère pas que ça commence un jour , je te supporte juste par obligatation ... Alors ta chambre ça sera les écuries. répondit alors froidement et sèchement Luinwe se levant pour aller chercher la commande de Melwasùl qu'il déposa devant lui avant d'ajouter un « Offert par la maison, te tracasse pas »

Et pourtant, il ne retourna pas s'asseoir, continuant son chemin vers la table des trois hommes dont Mel avait parlé tout à l'heure. Oui il avait envie de lui faire payer ce qu'il lui faisait subir, c'était un peu mesquin de sa part, mais après tout il était le plus grand représentant des Ténèbres non ? Un sourire s'installa alors sur ses lèvres, tandis qu'il se laissait choir sur les genoux d'un des voyageurs, se permettant de goûter à la bierre de celui-ci. Une grimace passa sur ses lèvres. Décidément, il n'aimait vraiment pas la bierre. Les deux autres ricanèrent au vue de sa grimace tandis que le gars sur lequel il était assis, lui disait qu'il lui fallait quelque chose de plus doux. Comme si il ne comprenait pas le sous entendus, mais il voulait voir jusqu'où tiendrait Mel'. Douce vengeance quand tu nous tiens.

Cet homme méritait une correction et allait justement en recevoir une. Une bien douloureuse. Les bornes, cela faisait bien longtemps que Melwasùl les avait dépassées et il ne s’en souciait guère. Sauf peut-être avec Lui’. C’était un peu plus délicat. Il n’avait pas l’impression d’être apprécié par le jeune homme et pourtant, il y avait quelque chose qui le faisait douter et hésiter. C’est pour cela que, pendant un instant, il se demanda si Lui’ était si calme qu’il ne paraissait l’être ou s’il bouillait à l’intérieur. Alors, forcément, il en fut un peu déstabilisé. Et garda un instant la bouche entrouverte, cherchant ses mots. Mots qu’il ne trouvait pas et qu’il abandonna bien vite.

Lorsque Lui’ tourna la tête vers la table qu’il avait indiqué, il haussa un sourcil. Heureusement qu’il était discret, sinon qu’est-ce que ça aurait été… Ces types, ils les avaient croisés en chemin, montés sur de puissants chevaux bais. Son pauvre Ben s’était pris une peur terrible lorsqu’ils avaient débarqués au galop. Il leur avait crié toutes les insultes possibles et imaginables mais les cavaliers n’avaient pas semblé l’entendre. Lorsque Mel parlait, Lui’ prit un air détaché, qui l’enragea encore plus même s’il n’en montrait rien.

- Par obligation ? On t’a obligé à m’héberger ? Non. Et pourtant tu l’as fais. Alors est-ce que ça t’embête tant que ça de m’héberger encore une ou deux nuits ? Ah, laisse-moi deviner : oui, ça te tuerait. Eh bien tant mieux ! … Crève…

Le vampire baissa d’un ton, sachant que de toute manière Lui’ ne l’écoutait pas. D’ailleurs, il s’était déjà levé et revenait avec la bière qu’il avait commandée. Offert par la maison ? Embarrassé, il ne put que murmurer un faible « Ouais, merci ». Avant de laisser Lui’ s’éloigner. Un coup au cœur, c’était bien le mot. Néanmoins, il surveillait le jeune serveur des yeux. Lorsqu’il se laissa tomber sur les genoux d’un des cavaliers, il se sentit écumer. Dans sa main, il serrait de plus en plus fort la chope de bière. Que lui murmurait-il ? Dans ces moments-là, Mel’ n’arrivait jamais à garder son sang froid. Ses yeux rougeâtres luisaient de plus en plus malgré l’obscurité de sa capuche. L’un des cavaliers tourna vaguement la tête dans sa direction et s’immobilisa en voyant les deux éclats rubis briller sous la capuche. Le verre explosa dans sa main. Il revint à la réalité. Furieux, il se leva alors et, prenant de sa poche de quoi payer, il le posa violemment sur le comptoir avant de sortir à grands pas de ce foutu établissement.

Une fois dehors, il s’en retourna vers son cheval et s’assit devant lui, sur la poutre où il était attaché. L’équidé pointa ses oreilles vers lui et le vampire lui caressa doucement le chanfrein en cercles concentriques. Peu à peu, le cheval, tout comme le cavalier se rassérénèrent. Le premier posa son museau sur les genoux du second et le second posa son front contre le chanfrein du premier. Mel’ faufila ses mains entre ses jambes, juste sous les naseaux du cheval. L’air chaud qui en émanait lui faisait du bien et l’empêchait de se geler les mains.

- Qu’est-ce que t’en penses, mon vieux ? … Tu crois ? Non, je ne pense pas… Mais tout bien considéré… Oui, peut-être… Ce qui est sûr c’est que je ne supporte pas ça… Bah quoi ? Il est serveur, pas prostitué… Oui, je suis calme… En plus il est à moi. Je ne peux pas me l’expliquer, mais je ne supporte plus que quiconque pose les yeux sur lui. Et ça m’a obsédé depuis que je suis parti. Je me demandais toujours où il était alors que ce n’est pas censé me faire tant d’effet… Blaah, j’vais peut-être faire comme il a dit, dormir dans les écuries… Mais quelles écuries aussi ? Il n’y en a même pas ! … Ouais, t’as raison, il est idiot…

Cessant là sa litanie, il s’écarta légèrement du cheval, qui ne fit pas un mouvement, pour se tourner et s’appuyer contre la poutre soutenant la barre d’attache où il posa ses pieds. Ainsi, il fourra ses mains entre ses cuisses et son ventre, pour les garder au chaud, et ferma les yeux, posant sa tête contre la poutre verticale.

Non Luinwe n'avait pas écouté les paroles de Mel', c'était bien trop méchant et bien trop réaliste. Oui dans le fon ça le tuerait de devoir l'héberger à nouveau, son crime son pêché continuerait mais mourir il ne pouvait pas mourir, non il en était incapable, immortel condamné à voir les gens naître et mourir, c'est pour ça qu'il n'aurait pas du s'attacher, mais il s'était attaché, et c'était trop tard à présent. Toujours sur les genoux du gars, il continuait de parler et de sourire, et presque de séduire, ça il le faisait automatiquement, mais les mains baladeuses il les sentait bien, tout comme il entendit le bruit du faire qu'il explose, et tout comme il vit Melwasùl s'en aller. Qu'il s'en aille ça valait mieux pour lui, qu'il ne reste jamais près de lui, jamais près d'un monstre. Car sur ce point Lucifel avait raison, les Séraphins étaient des monstres, des erreurs de la nature.

Ne pas bouger ne pas aller le rejoindre, continuer de sourire et de jouer la fille de joie, sauf qu'il était un garçon avec un joli minois, qu'il était serveur et qu'il ne donnait pas son corps, sauf quand on payait le prix. Mais là, cet arrogant personnage ne payait pas. Luinwe n'aimait pas son rire, Luinwe n'aimait pas son odeur, et puis maintenant que Mel' était parti, il n'avait plus rien à faire sur ses genoux. Autant mettre fin à ce jeu tout de suite. Se relevant alors avec grâce, sa queue de chat effleura le nez de l'homme tandis qu'il s'en allait un sourire amusé aux lèvres, sous le regard amusé et surtout rassuré de la patronne. Bien sûr on le prenait pour un petit chaton sans défense, mais comme ils se trompaient. On avait accueilli le diable dans l'auberge. Un diable au visage d'ange.

Forcément ça ne se passa comme Luinwe l'avait souhaité, l'homme en voulu plus et il se leva sous le regard amusé de ses congénères tandis que Luinwe reprenait de service, enlevant sa tunique machinalement pour ne pas la salir, et pour ne pas être gêné dans son service. Mais il eut la mauvaise surprise de sentir un étau sur son poignet tandis qu'on le rapprochait de force. Un éclat mauvais brilla dans les yeux de Luinwe qui ne tarda pas à tordre le bras du gars sans la moindre difficulté. Prenant sa tunique au passage, il signifia à la patronne qu'il sortait et sans attendre il tira le gars dehors par son bras blessé et sans doute cassé, avant de l'envoyer voltiger dans les caissons près du mur d'en face. Soupirant il s'accouda alors contre le mur. Il savait très bien qui était là, près des chevaux. Mel'.

- Tu sais les écuries c'est pas ici ... murmura-t-il alors fatigué, tenant sa tunique dans ses bras, les yeux levé au ciel.